Pratiques journalistiques

Principes et règles du droit à l’image

Lorsque vous prenez des photos/vidéos ou lorsque vous les diffusez, vous devez respecter le droit à l’image. Qu’avez-vous le droit de faire ? Zoom.

Publié le 21 septembre 2021

Lorsque vous souhaitez prendre des photos/vidéos, et pourquoi pas les diffuser en ligne (réseaux-sociaux ou sites web), vous devez vous renseigner sur vos droits et vos devoirs. Il faut en effet respecter le droit à l’image ! Tour d’horizon de ce qui est autorisé ou interdit par le droit français, en fonction de la situation.

Introduction et définitions

« Le droit à l’image désigne le droit dont dispose toute personne de s’opposer à la diffusion de son image sans son consentement » (fiches-droit.com)

Un principe simple : le respect de la dignité des personnes

C’est sur ce principe que reposent ensuite toutes les autres règles. Si votre photo ou vidéo met en scène une ou plusieurs personnes, et quelle que soit la situation, vos productions doivent respecter la dignité des personnes captées. En d’autres termes, elles ne doivent pas leur porter atteinte

Le terme “dignité” a été introduit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il correspond notamment à la réputation de la personne, à ses valeurs.

Photographier et filmer ≠ diffuser

Le fait de photographier ou de filmer est considéré différemment de la diffusion. En d’autres termes, le fait de photographier ou capter une vidéo pourra être autorisé, là où la diffusion ne le sera pas. Ils correspondent à deux actions différentes, et donc sont régis par deux cadres différents.

En revanche, il n’y a pas de différenciation à faire en droit entre la photo et la vidéo.

Le droit à l’information

Il regroupe le droit d’informer, et le droit d’être informé. Pour grossir le trait : tout citoyen a le droit d’avoir accès aux décisions politiques et à l’actualité.

Le principe de base du droit à l’image pose qu’il est strictement interdit d’utiliser toute image représentant une ou des personnes sans leur autorisation. Mais le droit à l’information modifie quelques cas en assouplissant la loi. Grâce à ce dernier, il est possible de capter et d’utiliser l’image d’une personne sous certaines conditions.

  • L’image ne doit pas être détournée de son objet pour nuire
    Il faut que la production contenant l’image ou la vidéo ait un rapport avec le sujet de la captation, et ne dénigre pas les personnes présentes sur la photo.
    Exemple : On ne peut pas prendre une photo d’un groupe de vacanciers en maillot de bain dans la rue pour dire que les Français sont irrespectueux et manquent de goût. S’ils étaient dans la rue en maillot de bain, c’est qu’ils allaient probablement à la plage.
  • Il ne faut pas porter atteinte à la vie privée
    Le droit à l’information doit respecter les principes et droits fondamentaux, et le respect à la vie privée en fait partie. Il est donc interdit de diffuser une photo qui pourrait divulguer la vie privée d’une personne sans son autorisation, et encore moins si elle a été prise dans un lieu privé.
  • Il faut que la production ait un but informatif
    Concrètement, il ne s’applique pas si l’image ou la vidéo est utilisée pour une publicité ou à des fins directement commerciales. En d’autres termes, ce droit ne s’applique pas dans le cadre de la publicité, ou de la commercialisation.
    Exemple : Une image ne peut pas être floquée sur un mug vendu en boutique dans le cadre du droit à l’information. Il faudra une autorisation bien spécifique à cette utilisation commerciale.

Le droit à l’image des personnes

Il diffère en fonction de l’endroit où les images sont tournées/prises (lieu public et lieu privé), de l’acte (prise de vue et diffusion) et du public capté.

Quelques termes de définition :

  • Prise de vue : filmer ou prendre en photo avec son smartphone, son appareil photo, sa caméra, sa webcam, sa tablette, et conserver la vidéo dans son appareil.
  • Diffusion : publication sur un site web, des réseaux-sociaux, envoi par mail, diffusion à la radio, la télévision ou la presse papier.

Dans un lieu public

Prise de vue

On considère que toute personne présente dans un lieu public consent à être exposée au regard des autres. De ce fait, la prise de vue dans un lieu public est autorisée sans aucun problème, et sans autorisation à demander.

Diffusion

Le principe est simple : dans le cadre du droit à l’information (il faut donc que la production ait une visée informative), il n’y a pas de consentement à demander si on souhaite diffuser la photographie ou la vidéo d’un groupe sur la voie publique.

Entre ici en jeu la notion subjective de “groupe”. Cela signifie que personne ne doit être individualisé, et être le sujet principal de la photo ou de la vidéo.

Note :
Dans des cas de litiges particuliers, certains jugements ont permis la diffusion d’images, même avec l’opposition de la personne intéressée si elle est impliquée dans un évènement d’actualité, et si on respecte sa dignité. Mais ici, c’est au cas par cas.

Dans un lieu privé

Le lieu privé “l’endroit qui n’est accessible à personne, sauf autorisation de celui qui l’occupe à titre privatif de manière permanente ou temporaire” (droit-image.com)

Prise de vue

Dans un lieu privé, la prise de vue doit faire l’objet d’un accord écrit.

Même si beaucoup ne respectent pas cette règle, il est en théorie obligatoire de demander l’autorisation de filmer ou photographier une personne dans un lieu privé. Ce consentement à être photographié ou filmé est différent du consentement à ce que la production soit diffusée.

Dans certains cas, on peut parler de consentement présumé : la personne a vu qu’elle était filmée ou photographiée et ne s’y est pas opposée. L’accord est donc tacite. Encore faut-il pouvoir prouver cette situation… Il vaut donc mieux demander une autorisation écrite.

Diffusion

Pour diffuser une image/vidéo d’une personne prise dans un lieu privé, il faut également obtenir son autorisation écrite. L’autorisation écrite doit mentionner à quelle(s) fin(s) vont être utilisés les clichés et vidéos, l’étendu des supports, les lieux de diffusion précis, les dates de diffusion et de persistance des contenus dans le temps.

Cas particulier : les personnes mineures

Une exception à la règle

En droit à l’image (et dans bien d’autres cas), les mineurs font exception à la règle. En théorie, le droit doit s’appliquer de la même manière que pour une personne majeure, avec l’exception que l’accord écrit doit être signé par les représentants légaux de l’enfant également, c’est-à-dire que l’enfant doit le signer aussi pour prouver son accord de la diffusion de son image (s’il en est capable).

Au sein d’un établissement scolaire

Au sein d’un établissement scolaire, l’autorisation du chef d’établissement doit obligatoirement être demandée pour toute captation d’images. L’accord sera donné la plupart du temps car à la rentrée, les élèves et leurs parents signent très souvent une dérogation autorisant la captation et la diffusion de leur image au sein de l’établissement.

Dans le cas où cette dérogation médias a été signée, il n’y a pas de démarches supplémentaires à faire. Dans le cas contraire, il faut demander un accord écrit aux représentants légaux des mineurs photographiés s’ils sont reconnaissables.

Mineurs = sensible

Mais souvent, dans le cadre de la protection des mineurs face aux médias, les juges donnent raison aux mineurs quant aux images diffusées dans les médias sans leur accord. Aussi, il vaut mieux ne pas se risquer à la diffusion de l’image d’un mineur reconnaissable sans son accord écrit et explicite.

Cas particulier : les célébrités et personnalités publiques

Si la personne captée est une célébrité ou une personnalité publique, ses droits changent légèrement, par rapport à une personne lambda, lorsqu’elle est dans ses activités et/ou fonctions publiques ou professionnelles. Dans les autres cas, ces personnalités publiques ont les mêmes droits que tout autre citoyen.

Là où les droits diffèrent, c’est sur l’isolement. Toujours dans le cadre du droit à l’information, une personnalité peut être photographiée et publiée dans le cadre de ses activités publiques ou professionnelles, même si elle est isolée sur une photo et parfaitement reconnaissable.

On parle évidemment ici d’un lieu public. Dans un lieu privé, il faudra évidemment demander l’accord de la personne en question comme pour toute autre personne lambda.

Cas particulier : les personnes impliquées dans un conflit judiciaire

De manière générale

À ce droit à l’image se lie aussi le principe de la présomption d’innocence. C’est le principe très simple et fondamental qui estime que toute personne qui n’a pas été jugée coupable est présumée innocente.

C’est la loi d’Elisabeth Guigou, ancienne garde des Sceaux, qui régit la captation d’images d’une personne soupçonnée, mais pas condamnée. En législation, on l’appelle l’ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000, qui est venue ajouter un article à la loi sur la liberté de la presse de 1881 : c’est l’article 35 ter qui stipule :

Lorsqu’elle est réalisée sans l’accord de l’intéressé, la diffusion […] de l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d’amende“.

Donc si l’accord de l’intéressé n’est pas obtenu, il est interdit de diffuser l’image d’une personne identifiable entravée ou menottée qui n’a pas encore fait l’objet de jugement. En d’autres termes, il ne faut pas que l’on voit qu’elle est arrêtée.

Toujours dans une politique de protection des personnes mineures, tout mineur impliqué dans une infraction ne doit pas être photographié, ni diffusé.

Dans un tribunal ou une salle d’audience

Un tribunal est un lieu public. Malgré cela, et parce que c’est un lieu un peu sensible, le droit à l’image applicable n’est pas le même que dans un lieu public traditionnel. C’est pour cette raison que l’illustration des procès se fait souvent sous forme de croquis grâce à des dessinateurs de presse.

Lorsque les images sont captées dans un couloir du tribunal, le droit traditionnel applicable aux lieux publics s’applique.

En revanche, dans la salle d’audience, les règles sont différentes. Tout photographe ou vidéaste doit obligatoirement demander l’autorisation du président de séance pour prendre des photos et les diffuser. Si le président donne son accord (seulement si les avocats des deux parties donnent leur accord), les images peuvent être tournées avant et après la séance, ou lors de sa suspension. Pendant la séance, il est interdit de capter des images, comme le stipule l’article 38 ter de la loi sur la liberté de la presse de 1881 :

Dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit. […] Toutefois, sur demande présentée avant l’audience, le président peut autoriser des prises de vues quand les débats ne sont pas commencés et à la condition que les parties ou leurs représentants et le ministère public y consentent.

Note :
Depuis, une dizaine de procès importants ont pu être filmés dans le cadre de la conservation audiovisuelle de la justice (c’était le cas, par exemple, du récent procès des attentats de janvier 2015). Mais la captation se faisait grâce aux caméras officielles, dans des mesures précises. Cet article de loi interdisant la captation fait l’objet d’une demande de révision par l’actuel ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. Il estime, dans une interview accordée au Parisien, que “la justice doit se montrer aux Français” en étant “totalement filmée et diffusée”.

Évidemment, lors d’un procès à huis-clos, aucun journaliste n’est autorisé en salle d’audience, donc aucune captation d’images n’est possible.

Cas particulier : les personnes décédées

En théorie, le droit à l’image d’une personne s’éteint à sa mort. Ce qui veut dire qu’il n’y a plus d’autorisation à demander lorsqu’on souhaite utiliser l’image d’une personne défunte (à condition que l’utilisation ne soit pas commerciale mais toujours informative, bien entendu).

Note :
Nous parlons évidemment ici d’une photo de la personne lorsqu’elle était en vie, et pas d’une photo de son corps 😮

Mais certains juges donnent raison parfois aux familles des défunts, qui ne souhaitent pas la publication de clichés de leur proche récemment décédé. Ici encore, tout dépendra de la situation et de l’appréciation.

Cas particulier : les accidents et les drames

Lors d’un accident de la route, par exemple, ou sur une scène de crime, il est interdit de faire apparaître des victimes, vivantes ou décédées, qu’elles soient reconnaissables ou non.

Dans ces cas-là, et pour illustrer une désincarcération d’un véhicule, par exemple, un photographe pourra prendre les pompiers en plein travail, en prenant soin de ne pas afficher la victime.

Cas particulier : montage photo ou vidéo

Lorsque l’image d’une personne ou ses paroles sont utilisées dans un montage photo ou vidéo, il faut obligatoirement préciser qu’il s’agit d’un montage, si ça n’est pas évident.

Le droit à l’image des lieux et objets

Les monuments

Si le monument est considéré comme une œuvre d’art, il est nécessaire d’obtenir les droits de son auteur, du créateur ou de ses ayants droits pour diffuser toute représentation du monument.

Par exemple, il est interdit de photographier et diffuser une photo de la tour Eiffel de nuit sans autorisation, car son éclairage est considéré comme une œuvre d’art.

Les véhicules

Lorsqu’une photo/vidéo captée sur un lieu public montre un véhicule, il faut impérativement flouter sa plaque d’immatriculation pour qu’on ne puisse pas reconnaître à qui le véhicule.

Il en va de même lors des accidents de la route : les plaques d’immatriculations doivent être floutées pour éviter la reconnaissance, mais aussi pour préserver les familles.

Qu’est-ce qu’on risque ?

On parle de toutes ces interdictions, à respecter évidemment déontologiquement parlant. Mais la loi prévoit également des sanctions pour le non-respect des règles fixées.

Aussi, les articles 226-1 et 226-2 du Code Pénal punissent d’un an de prison et de 45 000 € d’amende le fait de prendre une photo dans un lieu privé sans le consentement.

La même peine sera également infligée pour la diffusion de toute image ou vidéo sans consentement.

L’article 38 ter de la loi de 1881 sur la liberté de la presse punit de 4 500 euros d’amende et par la saisie des appareils, toute tentative de captation d’image lors d’une audience judiciaire.

Une technique de contournement : le floutage

Toute image peut être diffusée sans autorisation si la personne n’est pas reconnaissable sur la photo. La technique du floutage peut alors être utilisée pour masquer le visage de la personne et tout signe distinctif. Elle est aussi utilisée par les médias pour flouter les menottes dans le cadre de la présomption d’innocence, que nous avons traitée plus haut.

En principe, on utilisera la technique du floutage par pixel (ou pixellisation) et pas un flou gaussien, beaucoup moins efficace.

Quand c’est possible techniquement, la photo peut également être recadrée pour enlever l’élément dérangeant.

Conclusion

Il y a les textes, et il y a le jugement

Pour toutes les questions de droit, il y a les textes, et ensuite il y a l’application, qui sont deux choses différentes. Dans le cas où l’affaire serait trainée en justice, c’est également aux juges qui jugeront le litige de se faire leur propre opinion.

En résumé

On remarque que les législateurs ont tenté de poser un cadre au droit à l’image. Mais comme souvent, d’autres principes de droit viennent s’ajouter, comme le droit d’auteur, le droit à la présomption d’innocence, ce qui rend parfois le sujet complexe et les questions pas toujours simples.

Afin d’être toujours dans les clous, et pour être sûrs de ne pas avoir d’ennuis par la suite, il vaut mieux faire remplir un accord écrit à chaque personne qui est photographiée/filmée et qu’on souhaite diffuser (ou à ses représentants légaux). Le seul document qui peut faire foi devant la justice, c’est l’accord écrit.

Mais presque systématiquement, et par manque de temps, les médias ne demandent pas d’accords écrits, en se contentant d’un accord verbal. La plupart du temps, les personnes photographiées ne feront pas d’histoire. Mais dans le cas contraire, les médias en question s’exposent à des poursuites car un accord oral n’est pas toujours suffisant.

C’est l’avis subjectif des juges qui sera ensuite pris en compte, et qui comptera comme décision finale. Une même affaire, si elle devait être rejugée, n’aurait pas forcément la même issue selon le juge chargé de l’enquête.

Écrit réalisé en collaboration avec L. Trullard dans le cadre d’un travail universitaire.