Depuis quelques semaines, on constate une recrudescence des cas de personnes droguées au GHB à leur insu. Articles de presse, témoignages sur les réseaux sociaux… Un phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui s’est accentué récemment, notamment dans les villes étudiantes. Témoignages.
Son petit nom savant, c’est l’acide gamma-hydroxybutyrique. Moins mignon est le surnom qu’on donne à cette substance : la drogue du violeur.
Utilisé à des fins criminelles
D’abord utilisé par la médecine comme anesthésiant et comme somnifère, le GHB est classé comme produit stupéfiant et interdit en France depuis les années 2000. Depuis, il est utilisé à des fins beaucoup plus sombres. Reconnue pour produire un état proche de celui de l’ivresse, il peut être utilisé comme drogue récréative et son usage a rapidement été détourné pour utiliser cette substance à des fins criminelles.
« Je ne sentais plus mes jambes, je me suis réveillée à l’hôpital »
Laura* en a fait les frais lors d’une soirée d’intégration en septembre dernier. Elle et son groupe d’amis s’étaient retrouvés en premier lieu au bar La Fontaine, au centre-ville de Besançon, pour le before. Mais elle ne profitera pas très longtemps de sa soirée.
« Aux alentours de 23 heures, j’ai volé le verre d’une copine qu’on venait de lui servir : un jus d’orange. Ensuite, on est allé au QG (la discothèque le QG Club, située sur les bords du Doubs, NDLR) pour la soirée d’intégration. D’un seul coup, vers 1h du matin, je me suis sentie mal, j’avais de grosses bouffées de chaleur et l’impression d’ivresse comme jamais ! Pourtant, je n’avais bu qu’une bière et un jus d’orange de toute la soirée. Mes amis ont cru que j’étais bourrée. Je ne sentais plus mes jambes, je me sentais lourde, pas du tout dans mon état normal. Et d’un coup, je suis tombée par terre ».
« Je ne me souviens plus de rien »
Puis plus rien, le trou noir. Seulement de vagues souvenirs. Laura se réveille à l’hôpital vers 4 heures du matin, « un peu vaseuse ». Ses amis qui ont tout vu lui racontent comment s’est déroulée sa fin de soirée.
« Je suis complètement tombée, j’ai fait une sorte de malaise. Les vigiles du QG m’ont emmené à l’extérieur et mes amis ont essayé de me relever pour me mettre dans la voiture. Mais je faisais une suite de malaises, sans parvenir à me lever. Comme mes amis savaient que ça ne pouvait pas être l’alcool, ils ont appelé les pompiers. Une fois à l’hôpital, j’ai passé tout un tas de tests : prise de tension, analyses d’urine, prise de sang. Et les médecins ont conclu qu’il s’agissait du GHB ».
« Très mal reçue » par les services de secours
Avec le recul, Laura fait le bilan de sa soirée. « Bizarrement ce soir-là, j’ai pas beaucoup bu. Et heureusement, parce que j’aurais pensé que c’était l’alcool ! » Elle regrette notamment de ne pas avoir été prise au sérieux par le public de la boîte de nuit et par les soignants.
« J’ai été très mal reçue par les pompiers et par l’hôpital. À mon avis, ils pensaient que j’étais bourrée et ils doivent en avoir marre de faire les fins de soirées. Mais il y a des gens qui me filmaient quand j’étais par terre ! C’est un peu dénigrant d’apprendre, le lendemain, que des gens ont pris des photos et des vidéos de vous alors que vous étiez au plus mal ».
« C’est un peu triste d’aller en soirée et de devoir analyser son verre, le protéger, le surveiller… »Laura*, victime du GHB
La peur de ressortir en boite
Après cette expérience, Laura n’est pas vraiment retournée aux bars ou en boîte de nuit.
« J’évite… Je pense que ça va revenir avec le temps, mais je me dis que ça aurait pu très mal tourner et ça me fait un peu peur ». Heureusement, ce soir-là, Laura n’a pas été victime d’agression ou de vol.
« Je ne sais pas pourquoi il y a autant de GHB qui circule ! C’est un peu triste d’aller en soirée et de devoir analyser son verre, le protéger, le surveiller… C’est quand même pas nous les responsables et il pourrait arriver des problèmes vraiment graves ».
Une ruse pour trafiquer les verres des victimes
Maëlys*, elle, pense avoir vu ses drogueurs et leur façon de procéder. « On était avec des copines et un groupe de trois garçons sont venus nous parler. Ils ont voulu trinquer plusieurs fois avec nous. Et bizarrement, au bout de la troisième fois, un des garçons a passé son verre au-dessus du nôtre. Et puis ça s’est arrêté là, ils sont partis ».
Maëlys et son amie commencent à boire, mais s’aperçoivent que quelque chose n’est pas clair. « L’une de mes amies a bu un coup et m’a dit qu’elle avait l’impression qu’il y avait un truc dans son verre. Lorsque j’ai bu à mon tour, j’ai eu une sensation de picotements sur la langue. On a tout de suite posé nos verres et on n’y a plus touché. Dans la soirée, les jeunes sont revenus vers nous pour nous proposer de nous payer un verre, mais on a refusé ».
Des témoignages qui ne sont pas isolés et qui montrent comment s’installe ce phénomène. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes ont peur à l’idée d’être drogués à leur insu au bar ou en boite de nuit.
* Les prénoms ont été changés.
Le #BalanceTonBar sur les réseaux-sociaux
Dans la foulée du #BalanceTonPorc, le hashtag Balance ton bar émerge depuis quelque temps sur les réseaux-sociaux pour dénoncer l’inaction du monde de la nuit face à ce phénomène du GHB. Un appel à la réaction des gérants d’établissements à protéger leurs clients, né en Belgique et qui arrive progressivement en France.
Des capuchons pour verres qui ne font pas fureur
« Je trouve que c’est aberrant de nous parler d’inaction », estime Matthieu Garny, cogérant du QG Club de Besançon. Dans plusieurs établissements de Besançon, des dispositifs ont, en effet, été mis en place pour tenter de protéger les clients. « D’ici deux semaines, on va recevoir des capuchons réutilisables en silicone que les clients pourront mettre sur leurs verres. Ils seront mis en vente à l’entrée au prix d’achat, soit environ 1 € », poursuit le gérant.
Andrée Mahler, gérant de la boite Le Privé, est plus nuancée sur la mise à disposition de ces protections. « Nous, on avait proposé à la vente des capuchons de verre dès le 8 octobre. 2 €, entièrement reversés à une association. Mais ça n’a pas fonctionné, ça n’intéressait pas les clients », raconte-t-elle. Aujourd’hui, ils sont toujours proposés à la vente.
Côté sécurité, « on ne peut pas faire mieux »
Pour l’heure, aucun dispositif de sécurité n’a été renforcé. « On fait des fouilles et des inspections visuelles à l’entrée. Ça a toujours été le cas depuis l’ouverture ! Mais le GHB, ce sont de tout petits comprimés ou de la poudre. Si quelqu’un en cache dans sa chaussette ou dans son caleçon, on ne va pas aller vérifier. En plus, saboter un verre est un geste qui se fait en une seconde. Pour tout ça, c’est très compliqué de détecter le GHB. J’aimerais éradiquer ce phénomène, mais on ne peut pas faire mieux ! », regrette Matthieu.
« On bosse à 8 ou 9 pour une capacité de 150 clients, ce qui est déjà pas mal. On a un système de caméras qui est très pratique. On les consulte souvent quand on a un doute. Mais il faudrait que le client, à chaque fois qu’il sort, ait son petit capuchon dans son sac », considère Andrée.
En tout cas, les deux gérants sont formels : il n’y a eu aucun cas signalé de GHB au Privé et au QG.
« Il y a une trentaine d’années, il avait déjà du GHB »
En réalité, le phénomène du GHB n’est pas nouveau. « Personnellement, j’accuse les réseaux sociaux d’amplifier le phénomène. Les gens voient ce qui se passe ailleurs et font une espèce d’amalgame. Je refuse de rentrer dans la psychose du GHB ! D’autant plus que c’est un phénomène qui n’est pas nouveau », rappelle Andrée. Ce produit stupéfiant était en effet déjà utilisé volontairement dans les années 90, notamment par les jeunes qui y recherchaient un effet récréatif et aphrodisiaque.
Zoom sur le GHB
À quoi ressemble le GHB ?
Le GHB peut prendre la forme de poudre blanche ou de liquide. Mélangé à l’alcool, ses effets sont démultipliés.
Quels sont ses effets ?
Sensation de chaleur, euphorie, relaxation des muscles, vertiges, maux de tête, amnésie, perte de connaissance.
Pourquoi est-il utilisé ?
D’abord utilisé pour avoir des rapports sexuels avec une personne non consentante, la substance est également utilisée pour faciliter les vols d’effets personnels ou d’argent.
Comment repérer un verre contaminé ?
Malheureusement, le GHB est incolore et inodore. Certains disent que la boisson peut devenir trouble, avoir plus de bulles que d’habitude ou que les glaçons vont couler au fond d’un verre suspect. Mais rien n’est moins sûr.
Alors comment se protéger ?
Pour limiter les accidents, certaines start-up ont conçu des « préservatifs » pour protéger les verres en soirée. Avec un unique trou pour la paille, ce capuchon permet de limiter les possibilités de déverser un produit illicite dans une boisson. Certains établissements de nuit en proposent à la vente ou gratuitement.