La radio peut être considérée comme un “ancien” média. Elle a été créée en 1921, et ses cent ans ont été fêtés en juin dernier. Impossible de dire qu’elle n’a “pas pris une ride”, mais le média radio a encore de belles années devant lui.
Note : Ce texte est la retranscription écrite d’un oral réalisé dans le cadre de mon parcours universitaire.
Un média accompagné
Avec le temps, la radio est devenue un média accompagné. Ce qui signifie que très peu de gens écoutent aujourd’hui la radio sans rien faire. À sa création, la radio s’écoutait plutôt en famille. Les grandes émissions de radio étaient des points de rendez-vous incontournables. Avec l’apparition du transistor, la radio est devenue un “média d’accompagnement en mobilité” (Morel & Salvator, 2015). Généralement, on l’écoute en faisant le ménage, dans la voiture, en faisant ses devoirs, en mangeant… Mais pour beaucoup de gens aujourd’hui, la radio reste un média très utilisé.
La preuve en est, en 2015, une étude de Médiamétrie estimait que 8 français sur 10 écoutaient chaque jour la radio. De plus, le graphique ci-dessous, issu d’une étude du CSA, montre qu’en 2018, 95 % des Français étaient possesseurs d’un support dédié à la radio. Preuve que le média n’est pas délaissé.
En 2016, 59 % des auditeurs écoutaient la radio pour la musique, 55 % pour l’information, 35 % pour les infos pratiques (météo, info trafic) et 19 % pour l’animation et le divertissement (Gauriat & Cuoq, 2016).
En ça, nous estimons donc que le média radio ne disparaîtra pas pour l’instant, car nous l’écoutons partout : dans les transports (bus, voiture), dans certains magasins et boutiques, et les chiffres prouvent un certain attrait des Français pour la radio.
Une adaptation des contenus et des supports
Bien sûr, il est inutile de se voiler la face : la radio dite “à l’ancienne”, c’est-à-dire sur un poste de radio, n’a pas forcément le même avenir que le contenu radiophonique . Il faut donc différencier le support du média.
Actuellement, et même si beaucoup écoutent encore la radio en direct, la tendance est plutôt au podcast. Pour permettre de clarifier le propos, il est donc nécessaire de définir ce qu’est le podcast. Le podcast est un contenu, exclusivement audio, disponible sur le web, et qui peut s’écouter grâce à un dispositif numérique, comme un ordinateur, un téléphone ou encore une enceinte connectée à Internet. Le mot regroupe les replays (c’est-à-dire des émissions de radio diffusées en direct sur une radio ou une webradio et proposées en replay) et les podcasts natifs (c’est-à-dire les contenus audios jamais diffusés en direct, proposés exclusivement sur les plateformes de podcasts).
Dans le livre Les journalistes sont formidables, écrit par Francis Morel et Jean-Michel Salvator, les auteurs citent une étude de Médiamétrie, qui estimerait à 4 millions le nombre de Français écoutant chaque mois des podcasts. Selon l’institut de sondages Harris Media, c’est près de 100 millions de podcasts qui sont écoutés chaque mois en France. En moyenne, chaque année, on enregistrerait une progression de 52 % des personnes qui écoutent des podcasts, qu’ils soient natifs ou replays !
Et c’est d’ailleurs un gros point de recherche pour beaucoup de médias radio. Lors d’une conférence donnée en octobre 2021, Estelle Cognacq, directrice de la rédaction de France Info, précisait que les antennes de Radio France, et en particulier celle de France Info, travaillaient en ce moment sur l’enceinte connectée et le podcast. Elle estime que c’est ce qui “redonne de la vigueur à la radio”. Et la radio sera plus forte que les enceintes connectées. Même si le support évolue, le contenu reste le même. C’est d’ailleurs comme ça qu’Estelle Cognac explique la pérennité du média radio : “Le contenu va continuer d’exister. Le contenant évolue”.
Dans cette même conférence, lorsque l’intervenant demande à Hervé Beroud, le directeur général délégué d’Altice Média (RMC, BFM), ce qu’il pense de la radio, il explique d’abord que “la radio doit évoluer”, c’est-à-dire notamment proposer des podcasts, migrer vers le DAB+, miser aussi sur l’écoute digitale. Évidemment, il explique que la radio FM est en léger repli. “Mais le son et la radio ont un avenir intact !”, estime-t-il.
Pour nous, en plus de poursuivre sa diffusion en direct, la radio va continuer d’exister à travers la diffusion de ses replays en podcasts. Certains continueront donc d’écouter le contenu radio grâce au replay, et peut-être même que des amateurs découvriront en podcasts des émissions intéressantes qu’ils suivront en direct par la suite.
Vers la radio filmée
Un indice de l’avenir de la radio, c’est l’investissement très important des stations de radio dans l’apport de vidéo au contenu audio. Selon le site La revue des médias, proposé par l’INA, en 2016, “27 % des 13-19 ans écoutent la radio via un support numérique”. Et sur du numérique, il faut de l’image, la plupart du temps, notamment sur les réseaux sociaux, car c’est ce qui attire du monde.
Ainsi, France Inter, France Info, RTL, RMC ou encore Europe 1, et plus récemment France Bleu, sont passés progressivement à la radio filmée, afin de permettre :
- d’une part, aux auditeurs sur le numérique de bénéficier d’image vivante, attrayante avec la possibilité de regarder, en plus d’écouter
- et d’autre part, pour permettre la diffusion de contenus replays sur le web et sur les réseaux sociaux, là où l’image est cruciale aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce qu’explique l’article de l’INA : “La vidéo, c’est une manière de porter le son là où il n’a pas sa place, sur les réseaux sociaux”.
Et c’est donc une façon, pour beaucoup de groupes et représentants radiophoniques, de toucher un plus large public.
- Thomas Doduik, directeur d’Europe1.fr : “La marque Europe 1 se diffuse et touche un public qu’il n’aurait jamais touché”
- Laurent Frisch, directeur du numérique à Radio France : “Nous touchons une audience similaire à celle de la télévision, avec de nouveaux auditeurs, qui n’étaient pas des fidèles de Radio France ou n’écoutaient pas la radio du tout”.
Nous considérons donc que la radio va perdurer, car elle est en train de se développer sur les réseaux sociaux et sur le numérique, de manière générale, grâce à l’appui de la vidéo, qui reste tout de même anecdotique face aux images de la télévision. La plupart du temps, il s’agit, en effet, de la visualisation du studio radio et de ses intervenants, rien de plus. Si la vidéo était en train devenir l’élément le plus important des contenus radiophoniques enrichis, les groupes de radios n’auraient plus qu’à laisser leur place à la télévision, qui est beaucoup plus avancée en termes de vidéo.
Quoi qu’il en soit, les investissements dans la vidéo sont massifs (notamment 11 millions d’euros pour le numérique pour le budget 2021 de Radio France), preuve que les chargés du numérique des grandes entreprises médiatiques croient en ce renouveau.
Un média fiable
Selon le baromètre 2021 réalisé par Kantar concernant la confiance des Français envers les médias, 52 % pensent que la radio est le média le plus crédible, juste devant le journal (48 %) et la télévision (42 %), et loin devant Internet, que seuls 28 % des Français jugent crédible. À l’heure où l’information prend une place très importante dans notre vie et notre démocratie, il est donc impératif de conserver des modes d’informations fiables et la radio se trouve en top. Si la radio était délaissée, nous pourrions donc assurer que plus de 50 % des Français ne considéreront plus forcément avoir accès de manière fiable à l’information.
De multiples investissements (DAB, service public)
Enfin, bien qu’il ne soit pas étoffé de chiffre, notre dernier argument sur la radio concerne les investissements massifs, notamment dans la nouvelle technique de diffusion : le DAB.
Pour faire simple, le DAB est l’équivalent de la TNT pour la télévision, c’est-à-dire la radio numérique. Plutôt que d’être transmise par des ondes, elle est transmise numériquement, ce qui permet une qualité d’écoute parfaite, sans grésillement, sans perte de signal, ainsi que l’affichage d’informations supplémentaires sur les postes de radio.
Beaucoup de radios sont en train d’investir dans le numérique, preuve qu’elles ne se considèrent pas vraiment comme has been. Pareil pour les émissions de radio filmées.
Et enfin s’il ne trouvait pas la radio importante et si le média était en train de mourir, pourquoi l’État continuerait à financer la radio de service public, c’est-à-dire Radio France, à hauteur de 86% grâce à la redevance audiovisuelle ?
Tout un tas de questions et d’éléments qui prouvent donc bien, pour nous, l’importance de la radio et la garantie de son maintien pour les années à venir.
