Vous écrivez un article ou réalisez un reportage et il vous manque une image pour illustrer. Si vous travaillez pour un média avec des moyens, vous n’avez probablement jamais connu cette difficulté bien longtemps : il vous suffit d’aller piocher dans la banque d’image interne de votre média ou de choisir votre image dans une banque d’images (Adobe Stock, Getty, AFP) payée par votre média. Mais qu’en est-il quand vous êtes un média avec peu de moyens ou quand vous débutez ? Si la tentation d’utiliser des images issues de Google Image est grande, mieux vaut ne pas s’y risquer ! Je vous explique pourquoi.
Que dit la loi ?
En France, toute création artistique (nommée « œuvre de l’esprit » par la loi) est protégée par le droit d’auteur. Cela vaut notamment pour des textes, des dessins, des peintures, des vidéos, des contenus audios, mais aussi des photos. En bref : lorsqu’un photographe prend une photo, elle lui appartient tant qu’il n’a pas cédé les droits (article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle). L’utilisation des clichés d’un photographe est donc soumise à autorisation écrite de sa part, en suivant ses conditions (souvent moyennement paiement).
Une utilisation sans autorisation peut coûter gros
Évidemment, le fait d’utiliser une photo sans disposer des droits nécessaires peut-être perçu par les photographes comme un manque de respect pour leur profession : ils ont investi dans du matériel, ont passé du temps à prendre cette photo (éventuellement à la retoucher) et ont besoin de vivre de leur métier. La solution pour eux est donc de vendre leurs photos.
Mais au-delà de cette considération morale, le non-respect du droit d’auteur peut aussi vous coûter gros. En effet, les organismes spécialisés dans la vente de leurs photos sont souvent assez vigilants quant à l’utilisation de leurs clichés sans autorisation. Au point parfois qu’ils missionnent parfois certaines sociétés, chargées uniquement d’aller débusquer les utilisations irrégulières et de régler les litiges avec les personnes en faute. C’est le cas de l’agence de presse AFP, par exemple, qui missionne la société PicRights à cet effet.
Sur Internet, le principe est simple : la société en question soumet à un moteur de recherche d’images la photo qu’elle souhaite vérifier. Le moteur de recherche liste ensuite tous les sites qui utilisent la photo (même si la photo est incluse dans un montage, le moteur de recherche peut la trouver). La société vérifie si chaque site dispose bien d’une licence et, dans le cas contraire, contacte les sites incriminés pour régler le litige.
Peu importe l’audience ou la taille de votre média
Vous pourriez vous dire que, vu le temps que ça prend, il y a peu de chance que ces sociétés viennent vous trouver. « J’ai un petit site internet perso qui fait très peu de vues : ils ne vont pas venir jusqu’à nous ». Détrompez-vous ! Le peu de vues sur votre site web ne pèsera pas dans la négociation avec ces sociétés.
L’association La Loop dont j’étais le rédacteur en chef en a fait les frais ! Et pourtant, il s’agissait du site d’un média local et étudiant, avec une centaine de vues par jour en moyenne, 400 vues journalières au maximum lorsqu’un article fonctionnait bien. Bien loin des 3 millions de visites chaque jour sur le site du Monde.
Une amende et des courriers de relance en cas de non-respect
Un beau matin d’avril, nous recevons un mail sur la boite générique de l’association. L’objet annonce la couleur : « Validation de licence d’image l’Agence France-Presse« . Premier frisson. Le mail explique que la société, mandatée par l’AFP, a détecté sur notre site une image appartenant à l’AFP et que, sauf erreur, nous ne disposons pas de la licence nécessaire.
L’article en question résumait les victoires de la musique. En guise de une, l’autrice de l’article avait réalisé un montage photo avec trois artistes nominés. Dans ce triptyque, une photo de l’AFP occupait un tiers de l’image finale. Je n’avais pas été assez vigilant sur la provenance des photos lors de la relecture.
De bonne foi, et en tant que représentant du média, je supprime immédiatement le montage incriminé et réponds en expliquant la situation de notre média : étudiant, peu d’audience (50 vues sur l’article tout au plus) et avec une équipe non professionnelle, pas toujours consciente de cette notion de droit d’auteurs, à laquelle je ne manquerai pas de rappeler les règles d’usage. Mais cela ne suffit pas. « Nous apprécions le retrait de l’image de votre site, mais ceci ne suffit pas à clore l’affaire. Vous restez redevable des sommes correspondantes à l’utilisation non autorisée de l’image« , nous répond la société PicRights. Elle précise ensuite qu’au vu de la durée de présence de l’image sur notre site ainsi que de l’audience présumée de ce dernier, elle estime à plus de 300 € le montant du préjudice.
Méfiants, nous contactons par téléphone l’AFP qui nous confirme qu’ils missionnent bien cette société pour recouvrer le montant des droits non acquis pour leurs clichés. Nous tentons alors de négocier le montant : la société consent à nous offrir une « remise exceptionnelle » en raison de notre statut associatif. Très bien, mais nous négocions à nouveau en mettant en avant notre statut précaire d’étudiant et en leur proposant un montant dans nos moyens : 150 €, ce que la société accepta si nous réglons rapidement. Nous nous en tirons bien !
Les limites de cette procédure
Nous étions en tort, il n’y a pas de débat. Toutefois, de nombreux internautes ont déjà eu affaire à cette société et conseillent de ne pas payer, invoquant le manque de rigueur juridique de la société. Des groupes spéciaux sur les réseaux sociaux ont même été créés en guise d’entraide entre personnes dans le même cas.
Les échanges évoquent notamment le manque d’un constat d’huissier : la société fait en effet parvenir par mail une capture d’écran de l’utilisation de la photo en question sur le site. Mais il ne s’agit pas d’un constat d’huissier, seule preuve valable en cas de procès. Certains internautes conseillent donc de supprimer la photo et de ne pas donner suite. « Le coût d’une procédure judiciaire qu’ils perdront sûrement faute de preuve est trop important pour eux, donc ils ne vous poursuivront jamais », peut-on lire sur certains groupes.
Pour notre cas, la question ne se posait pas puisque j’avais avoué la faute par écrit et dit avoir retiré la photo. Dans tous les cas, nous étions en tort et il était normal de réparer le préjudice, même si nous aurions préféré investir ces 150 € dans quelque chose de plus utile. Cette expérience a permis toutefois de ne pas refaire les mêmes erreurs et de prendre davantage conscience de l’intérêt de respecter le droit d’auteur.
Une alternative : les banques d’images gratuites et libres de droits
Le plus simple pour éviter cette situation : respecter la loi ! Il est possible de le faire assez facilement en utilisant des images provenant de banques d’images gratuites et libres de droits. Cela signifie qu’elles ont été déposées sur ces plateformes par des photographes qui consentent à la libre réutilisation de leurs images (en fonction de la plateforme, il est parfois nécessaire de citer le nom de l’auteur à proximité de l’image).
Voici une liste non-exhaustive de ces plateformes libres : Flickr, Wikimedia, PxHere, Pixabay, Pexels…
L’avantage de ces plateformes est clair : la gratuité et la qualité des images ! L’inconvénient : le manque de choix. Ces banques sont en effet suffisantes pour des images d’illustrations. Par contre, il ne faut pas chercher à avoir des photos récentes ou des images pour illustrer un fait d’actualité (ne vous attendez pas à trouver des images de la visite du président au Japon le mois dernier !)
En bref, ne vous risquez pas à outrepasser la loi ! Les photos disponibles sur Internet ne sont, pour la plupart, pas libres de droits. Respectez le travail des photographes et utilisez toujours des images sur lesquelles vous avez les droits afin d’éviter les amendes, parfois salées.